Attention à  Fred

2015 Bz509

Dans la famille des astéroides dont l'orbite s'aventure plus loin que Jupiter, Bz 509 est un farceur. Sa meilleure blague consiste à tourner à contresens de tout le système solaire. Bien qu'inquiétante, cette performance semble durer depuis des milliards d'années.

Sa période orbitale est extrêmement proche de celle de Jupiter à 11.65 ans contre 11.86 pour la géante gazeuse. S'ils tournaient dans le même sens, cela conduirait automatiquement à un voisinage des deux objets qui navigueraient si proches que l'énorme planète ne ferait qu'une bouchée de l'infime Bz509 et ses 3 km de diamètre. L'affaire se serait sans doute terminée dès la première rencontre, le rapport de force étant rédhibitoire.

Il n'en a rien été à cause de leurs directions opposées et bien qu'une collision reste possible, il s'avère que les deux objets naviguent à la même vitesse en sens inverse, ce qui rend les rencontres très brèves et les perturbations d'orbites peu signifiantes. Au fil des millénaires, Bz509 s'est même offert le luxe d'une résonnance orbitale avec son énorme voisin. Au prix d'un itinéraire totalement atypique, son orbite modérément excentrique parait stable avec un cycle de 660 ans.  Noter que le simulateur ne sait pas reproduire la complexité de cette orbite. Bz 509 a été ajouté afin de pouvoir le situer, sa période orbitale apparaitra plus longue qu'en réalité (d'environ 10%).

A ma décharge, la JPL SB Database est tout aussi incapable de montrer l'orbite exacte de BZ. En effet, le simulateur d'AàF et la base du JPL calculent chaque point de l'orbite d'après les équations de Newton, lesquelles sont très loin de décrire les phénomènes à l'oeuvre dans la relation étroite que l'astéroïde entretient avec la géante gazeuse. Il faudra se référer à la page wikipedia pour en saisir la subtilité.

Bien qu'il y ait une petite centaine d'astéroïdes rétrogrades dans le système solaire, BZ 509 est celui dont l'orbite a inspiré les plus grandes études. En frôlant les troyens de Jupiter, il a longtemps laissé craindre une collision susceptible de menacer les planètes intérieures.

Beaucoup d'hypothèses ont été émises quant à l'origine de son orbite, y compris sa capture par le Soleil. Dans ce cas, il aurait une origine extra solaire.

En étudiant la trajectoire d'un vaisseau spatial pour le rejoindre, une hypothèse supplémentaire devient évidente. En effet, un vaisseau au départ de la Terre a une orbite prograde. S'il devait faire demi-tour à la seule force de ses propulseurs, la dépense énergétique serait énorme. Par contre, une assistance gravitationnelle de Mars ou Jupiter rendrait la manoeuvre peu coûteuse. L'exemple qui vient à l'esprit est le vol de sauvetage d'Apollo 13 qui revint sur Terre en contournant la Lune.

Puisque un vaisseau spatial peut inverser sa direction en contournant une planète, il est évident qu'un astéroïde peut le faire aussi. En exclusivité et très humblement vu les moyens d'observation dont disposent les auteurs d'études qui ont observé Bz, celui de ces lignes s'autorise à émettre l'hypothèse d'un astéroïde moyen, quasi-capturé par Mars ou Jupiter dans un passé lointain, planète dont il s'est finalement échappé après un demi-tour à l'instar de l'infortunée mission Apollo XIII au siècle dernier.

• Voir BZ509 sur le simulateur AàF Neptune-Pluton


• Astéroides à l'orbite rétrograde sur wikipedia

Tchouri

La comète Tchouri est devenue célèbre lorsqu'elle a été visitée par la sonde européenne Rosetta. Pour plus de détails sur la comète ou la mission, cliquer un des liens wiki.

L'orbite très elliptique de Tchouri le rapproche de la Terre à chaque révolution sans toutefois croiser notre orbite jusque ici. Sa désignation de comète provient également de sa teneur encore riche en éléments volatils qui viennent se sublimer au contact de la chaleur solaire en laissant une queue caractéristique.

Contrairement à Phaeton, Tchouri s'éloigne jusqu'à l'orbite de Jupiter. Sa vitesse est alors extrêmement basse, si bien qu'il reste très longtemps dans la même région où Jupiter à largement le temps de venir perturber sa route.

Sur le simulateur comme dans la réalité, l'approche de Tchouri est donc très différente après chaque rencontre de la géante gazeuse et il est possible que la comète croise l'orbite terrestre à la suite d'un tel évènement. Il suffirait pour cela que Jupiter s'approche de ses arrières d'assez près pour ralentir sa vitesse orbitale, ce qui réduirait drastiquement son périhélie.

A en croire le simulateur, cette intéraction, bien que fréquente, ne semble pas suffire pour que nous risquions une collision dans un avenir prévisible. Le simulateur montre que les orbites se rapprochent, sans jamais se croiser toutefois.

• Lire la section Missions en cours vers les astéroïdes

Sa forme de toupie serait dûe à un bourrelet de régolithe qui a migré des pôles vers l'équateur à cause de sa rotation rapide. Il tourne sur lui même en 4:15 heures environ. Sa rotation s'accélère sous l'effet de la radiation solaire.

Osiris-Rex a observé une dizaine d'épisode d'éjection de particules ce qui fait de Bennu, un astéroïde actif, bien que l'origine de ces phénomènes n'ait pas été caractérisée à ce jour.

La densité de Bennu est exceptionnellement basse, il s'agit probablement d'une "grappe" de blocs rocheux maintenus par une très faible gravité avec 60% de vide entre les blocs. Sa masse et donc sa gravité n'ont pas encore été publiés par le JPL. Celles-ci seront obligatoirement connues après quelques orbites de la sonde Osiris puisque celle-ci doit corriger les anomalies orbitales pendant sa mission. D'autre part, le rebond de la sonde sur la surface a généré une accélération mesurable, même à postériori.

Bennu a été pressentie pour fournir de l'eau aux missions spatiales par Deep Space Industries. Cela dit, l'approche par un vaisseau spatial restera coûteuse en carburant. Une telle extraction n'aurait de sens que pour des quantités importantes d'eau prélevée, le temps nécessaire est aussi un gros consommateur de ressources pour un engin.

Une chute de Bennu sur Terre n'est pas exclue après l'année 2150. Le rapprochement des deux orbites a lieu tous les 6 à 10 ans (voir le simulateur pour mieux comprendre les intéractions orbitales). Si une collision devait avoir lieu, elle est généralement considérée comme peu dangereuse du fait de la porosité de Bennu qui se fractionnerait par le seul effet de la gravité terrestre, avant de voir ses fragments consumés par leur rentrée atmosphèrique.

7 conclusions de la NASA résultant de l'approche de Bennu par Osiris-Rex

Source NASA : Ten things to know about Bennu

Bennu est très, très sombre…

Bennu est classée comme un objet de type B, ce qui signifie qu’elle contient beaucoup de carbone éparpillé dans un vaste chantier de minéraux variés. Le carbone noircit sa surface de sorte qu’elle ne reflète que 4% de la lumière qu’elle reçoit. C’est fort peu. En comparaison, Venus, la plus brillante des planètes, reflète environ 65%. La Terre restitue à peu près 30% de la lumière solaire. Bennu n’a pas connu d’évènement violent dans son passé, ce qui signifie que ses matériaux constitutifs ont le même âge que système solaire.

Bennu est très ancienne.

Construite par accrétion de matériaux froids (contrairement aux astéroïdes chauds constitués d’un unique bloc solide), Bennu est née pendant les 10 premiers millions d’années après l'allumage du Soleil, probablement dans la ceinture d’astéroïde, au-delà de l’orbite martienne. Elle a donc environ 4.5 milliards d’années aujourd’hui. Durant cette période, elle s’est lentement rapprochée de la Terre, notamment en absorbant la lumière solaire et en la restituant sous forme de chaleur (effet Yarkovsky)

Bennu est un objet de type « tas de gravats », ne pas se fier au côté péjoratif…

Sur Terre, un tas de gravats est un déchet de chantier, dans l’espace, c’est un trésor scientifique. Concrètement, le « tas de gravats » est un type officiel dans la nomenclature des objets dérivant dans l’espace. Les objets comme Bennu sont constitués de morceaux de roche compressés par la gravité, typiquement issus de collisions d’un objet avoisinant la centaine de kilomètres de diamètre. Sa croissance n’a sans doute pas duré plus de quelques semaines. Si sa rotation venait à accélérer ou encore, si elle s’approchait trop près d’un corps plus lourd, Bennu s’éparpillerait comme une poignée de confettis.

Les astéroïdes recèlent des preuves quant à l’apparition de la vie sur Terre 

Bennu est un artefact primordial préservé par le vide spatial. A l’évidence, la Terre s’est formée et a grandi par accrétion d’objets comparables à Bennu. Bennu est donc un instantané figé des matériaux qui ont accompagné l’apparition des formes de vie sur Terre.

...Mais aussi de l’or et du platine !

C’est tout l’objet d’Attention à Fred. La NASA ne dit pas que Bennu est un bon site d’exploitation minière. Par contre, elle rappelle que l’objet Psyche va être visité par la sonde du même nom et que les ressources métalliques des astéroïdes sont capables d’alimenter les besoins humains sur Terre. A ce titre, la méthode d’extraction d’échantillons utilisée par Osiris Rex est édifiante. Tout comme le furent les échecs relatifs de l’atterrisseur Européen Philae sur la comète Tchouri ou d’Hayabusa 1 lors de la mission sur Itokawa. Ce sont les premières tentatives humaines pour extraire de la matière minérale extra-terrestre. A l’avenir, des milliards de tonnes de matériaux extraits pourraient servir à construire des vaisseaux lourds ou plus simplement, venir combler leur rareté dans la croûte terrestre. Le platine étant le plus intéressant d’entre eux dans ce dernier cas.

La lumière du soleil peut changer drastiquement la trajectoire d’un astéroïde

La gravité n’est pas la seule force qui influence la trajectoire d’un astéroïde. La face de Bennu éclairée par le Soleil emmagasine de la chaleur mais une journée sur Bennu ne dure que 4 heures et 17.8 minutes. Aussi la partie du corps éclairée change-t-elle constamment. Alors que Bennu continue sa rotation, la chaleur est renvoyée vers l’espace sous forme de rayonnement infra-rouge. Ce phénomène rapproche Bennu du Soleil d’environ 290 mètres par an. Noter que si la rotation était inversée, Bennu pourrait s’éloigner. La poussée exercée sur l’astre par le dégagement de chaleur n’est pas centrée vers le Soleil, c’est un mélange de ralentissement de sa vitesse qui la fait « tomber ». Une poussée dirigée vers le soleil aurait pour effet de rendre son orbite plus elliptique, voire aucun effet par compensation des poussées tout au long de son orbite. La forme et l’absorption de Bennu jouent donc un rôle essentiel dans l’influence de la chaleur sur sa trajectoire.

Bennu a une petite probabilité d’impact sur Terre au siècle prochain

La NASA finance l’équipe du Near Earth Asteroid Research qui a découvert Bennu en 1999 – malgré son faible albedo. Le Planetary Defense Coordination Office continue à traquer les objets « Near Earth objets » (ou NEO’s), en particulier ceux qui, comme Bennu, « descendent en piqué » dans le système solaire en suivant une route qui a été prédite avec fiabilité.
Entre les années 2175 et 2199, la probabilité d’une collision de Bennu sur Terre est de 1 sur 2700. Début juillet 2021, la Chine a annoncé le lancement préventif d’une flotte de 20 fusées lourdes chargées d’impacteurs pour dévier l’astéroïde. La Nasa a répondu en confirmant ses calculs antérieurs, ce qui relativise le danger, tant en termes de probabilité d’impact que de calendrier.

• Bennu n'a qu'une chance infime de frapper la Terre d'ici 2300 dit la Nasa dans Figaro du 11-08-21

Son orbite est très circulaire à l'instar des autres gros objets de la ceinture. Il semblerait que les objets massifs et anciens aient tendance à stabiliser leur orbite au détriment des plus petits qui voient leur excentricité amplifiée par les rencontres sporadiques avec plus massif qu'eux.

Vesta a donc un passé turbulent, pourtant, il n'y a laissé que 1 % de sa masse. Il semble que les objets les plus lourds jouissent d'un avantage écrasant sur les plus petits dont un grand nombre a été ejecté du système solaire ou broyé en poussière dont une partie s'est mélangée au régolithe d'autres objets alors que le reliquat s'est vaporisé dans l'atmosphère des planètes sous forme d'étoiles filantes. 

• Hayabusa 2 sur la page Preuve de Concept section Missions en cours.

2001 FO32

L'astéroïde géocroiseur 2001 FO32 a frôlé la Terre le 21 mars 2021 à une vitesse très élevée, voisine de 35 km/s contre 29.8 km/s pour notre planète.  Lorsqu'il est au plus près du soleil, il dépasse largement les 60 km/s, ce qui fait de lui, un chauffard irresponsable susceptible de changer le cours de l'histoire humaine.

Très surveillé par les observatoires, il ne présente pas de risque de collision dans un futur prévisible. Son orbite est très inclinée, de 39° par rapport au plan de de l'écliptique. Comme on peut le voir sur l'illustration ou dans le simulateur, sa grande excentricité l'emporte au delà de l'orbite de Ceres. Si d'aventure, il fallait envoyer une sonde à sa rencontre, c'est dans la ceinture d'astéroides qu'il serait le plus facile à atteindre car c'est là que sa vitesse est proche de celle des autres astres du sytème solaire. Néanmoins, une telle mission serait coûteuse en combustible. L'objet en lui même ne présente pas un profil intérressant, il vaut 0$ sur le classement Asterank. Autant dire qu'on devrait le laisser tranquille à l'avenir, à condition toutefois, qu'il en fasse autant avec notre planète.

L'astéroïde géocroiseurs 2001 FO32 frôle la Terre aujourd'hui sur Techno-Sciences du 21-03-2021

Ceres

Ceres est le plus gros astéroïde de la ceinture principale, devant Vesta et Pallas. On la désigne comme planète naine grâce à sa forme de sphère presque parfaite.

Ceres a été visitée par la sonde Dawn en 2015 sans retenir l'attention des médias qui lui préfèrent Pluton, plus spectaculaire et observée presque en même temps par New Horizons.

Pour autant, Ceres est incontestablement une rockstar dans le monde des mineurs spatiaux. Elle contient probablement plus d'eau que la Terre ne possède d'eau douce. Attention à l'adjectif 'Douce' car en valeur absolue, l'eau sur Terre est bien plus abondante et celle de Ceres est probablement une saumure très salée ! La comparaison est donc un peu sensationnaliste mais elle donne quand même une idée de ce qu'on peut espérer de Ceres.

Planètoïde humide à l'orbite très stable et quasi circulaire, Ceres mérite sa place d'objet alpha, ne serait-ce que par sa ressource en eau qui fournira de quoi boire, respirer et du combustible aux mineurs.

• L'arrivée de Dawn en orbite de Ceres sur Science et Avenir du 09-03-2015
  


• Résumé de la navigation de la sonde Dawn dans la page Exploitation minière des astéroides. 

Itokawa

Itokawa est un astéroïde léger, en forme de cacahuète. Il fût le premier à être touché par une sonde spatiale capable d'en ramener des échantillons au début des années 2000.

Son orbite elliptique croise celle de la Terre et s'en éloigne jusqu'à dépasser celle de Mars. Il est donc possible, quoiqu'improbable, qu'il tombe sur Terre un jour. Sa faible masse laisse suspecter une structure interne très poreuse, ce qui résulterait sans doute en un fractionnement sous l'effet de la gravité terrestre, le rendant moins dangereux qu'un objet plus lourd, bien que produisant une pluie de collisions dont les chances de tomber sur des zones habitées sont plus élevées. Aucun risque de collision n'a néanmoins été calculé dans un futur prévisible.

Premier astre à être visité par une sonde de retour d'échantillon qui l'a rendu célèbre, Itokawa porte le nom d'un grand responsable du programme astronautique japonais.

La mission japonaise Hayabusa était très en avance sur son temps. En pavant la voie des missions ultérieures, elle a fourni les premières images d'un astéroïde prises à quelques mètres de sa surface. En revanche, le processus de collecte d'échantillons n'a pas bien fonctionné puisque l'antenne de liaison avec la Terre n'était pas correctement orientée au moment du contact. S'en sont suivis des messages erratiques qui ont fortement compromis la collecte. D'autre part, la petite capsule contenant les échantillons s'est écrasée au sol, suite à l'échec de l'ouverture de son parachute. 

Ceci dit, le test de propulsion au xénon et le déroulé de l'approche ont fourni de précieux renseignements pour les missions suivantes, notamment Hayabusa 2 qui a ramené des écantillons de Ryugu en décembre 2020 et dont la mission est un sans-faute. Le grand absent de cette première mission est l'intelligence artificielle qui aurait permis des prises de décisions immédiates alors que les minutes nécessaires à la communication avec la Terre rendaient l'opération terriblement hasardeuse.