Le Cylindre O'Neill est un vaisseau spatial dans lequel on crée une gravité artificielle par la rotation d’un cylindre de sorte que ce qui se trouve sur sa paroi intérieure soit soumis à une pesanteur identique à celle de la Terre.
Inventé au MIT dans les années 1970, en pleine conquête lunaire, il présente l’avantage de soumettre des surfaces plus vastes que n’importe quel autre concept à la force centripète qui simule la gravité. Sa géométrie protège naturellement son contenu contre les radiations omniprésentes dans le milieu spatial.
Il se prête donc bien à la création de vaisseaux ultra lourds, capables d’accueillir des milliers ou des millions de personnes, mais aussi des arbres, étendues d’eau, animaux et installations impossibles à intégrer dans des structures en anneaux par exemple.
L’avantage fondamental d’un cylindre en comparaison d’un anneau est que la totalité de sa surface intérieure est habitable. Dans un anneau, seule une fraction de surface est utile, 25 % environ, le reste ne sert qu’à rendre le milieu étanche. Le cylindre se prête donc à l’exode de populations immenses, soit pour séjourner dans l’espace pendant de longs voyages, soit pour s’y installer définitivement.
A masse égale, un cylindre O’Neill offre une surface utile environ 3 fois supérieure à toute autre géométrie. Il est expliqué plus bas que cet avantage est pondéré par la nécessité d'ajouter une coque fixe autour du cylindre. En outre, un sol perméable à l’eau permet de maintenir une nappe phréatique sous la surface habitable. Non seulement cette eau hydrate la végétation de surface, mais surtout, elle protège efficacement le contenu du cylindre contre les rayons cosmiques.
Une page Wikipedia lui est consacrée ici : Cylindre O'Neill.
Schéma d'un cylindre en
rotation.
Un objet posé sur la face intérieure voit sa
trajectoire constamment contrariée par la paroi qui lui imprime une
force centripète
Dans la publication originale de 1976 décrivant le cylindre, Gerard O'Neill ébauche trois types d'habitats différents. Il se préoccupe de recenser les architectures possibles. Le dessin précis de ces habitats se résumait à des vues d'artistes pas vraiment abouties. Il s'agissait d'en poser le concept. La publication a l'immense mérite d'avoir inventé l'idée originale de ce qui pourrait devenir l'ordinaire des humains dans quelques siècles voire décennies si on adhère au calendrier de "Attention à Fred".
Pour fantastique que soit l'idée originale, les exemples donnés à l’époque n'en souffrent pas moins de lacunes. Les observations récentes relatives au voyage vers Mars en ont pointé de nouvelles, si bien que le concept de cylindre avait besoin d'une mise à jour.
L'analyse qui suit est celle qui a présidé à la conception des vaisseaux d'Attention à Fred, censée corriger les problèmes de fond au nombre desquels on compte notamment :
Ces questions sont prioritaires dans la mesure où un habitat qui se montrerait défaillant sur ces points finirait par faire naufrage. Le caractère dramatique d'une telle catastrophe étant exacerbé par la qualité principale du cylindre qui est d'héberger des millions de personnes.
Par exemple, une météorite qui endommagerait la coque forcerait tout l'équipage à abandonner le bâtiment d'urgence. L'évacuation serait contrariée par une gestion des entrées sorties dont le débit ne permettrait de sauver qu'un petit nombre de personnes.
Par ailleurs, la coque en rotation se prête mal à une intervention sur le site d'impact, ce qui rendrait les réparations très complexes.
Ainsi, une avarie qu'on peut considérer comme très probable, résulterait en une conjonction de facteurs défavorables avec une issue tragique pour les occupants.
La pesanteur ne se laisse pas apprivoiser sans poser quelques défis.
Tourner dans un cylindre demande une accélération initiale dans le sens de rotation. Or, cette énergie, bien qu’imperceptible dans un vaisseau bien conçu, va quand même s’exprimer de diverses manières. Sur Terre, nous connaissons la force de Coriolis parce qu’elle provoque des tourbillons dont les plus grands s’appellent tornades et ouragans… Cette force qui s’exprime en tournant autour d’un point qui nous semble fixe, provient de l’énergie de la rotation de la Terre sur elle-même. La gravité terrestre pourrait donc s’exercer sans provoquer de tourbillons si notre planète n’était pas en rotation… Dans un vaisseau en revanche, la pesanteur provient de la rotation du cylindre (sur Terre, c’est la masse planétaire).
Dans le cylindre, la pesanteur est inexistante au niveau de l’axe de rotation, et maximale contre la paroi du cylindre. Chaque objet présent pèsera plus ou moins lourd en fonction de sa hauteur. D’autre part, tout objet qui tentera de prendre de l’altitude dans le cylindre, sera soumis à une force « horizontale » parce que le déplacement est moins important à mesure qu’on approche de l’axe de rotation.
La solution à ces problèmes est assez simple. La force de Coriolis s’accroit avec la vitesse de rotation, celle-ci étant dépendante du diamètre du cylindre, il faut que celui-ci soit suffisamment grand pour la rendre imperceptible. Une ancienne estimation d’ingénieur fixait un diamètre de 219 mètres, à partir duquel la force de rotation était trop diluée pour être perçue. C’est ce qui explique la taille des vaisseaux dotés de gravité dans la science-fiction, mais aussi, dans les projets d’ingénieurs célèbres tels que Wernher von Braun, qu’on ne peut pas suspecter de mal connaître le sujet.
Pour cette raison, le plus petit des vaisseaux miniers d’Attention à Fred a un diamètre intérieur de 230 m. Certes la construction d’un tel mastodonte requiert des masses de matériaux « astronomiques » mais c’est justement pour cette raison qu’on va extraire la matière là où le vaisseau est fabriqué : dans l’espace, loin de tout puit gravitationnel. En d’autres termes, il faut s’extraire de la gravité pour pouvoir la recréer proprement…
Lorsqu’un cylindre tourne, tout ce qui est posé à l’extérieur de sa paroi est naturellement éjecté de sa surface. On peut certes imaginer qu'on utilise l'impulsion apportée par la rotation pour quitter le cylindre en rotation qui agirait alors comme une fronde qui impulserait une accélération d'environ 1g à un engin. Néanmoins cette hypothèse résiste mal aux problèmes posés par l'orientation, la séquence précise de l'appareillage, le risque engendré par l'énormité des masses en mouvement et pour résumer, le cadre de sécurité qu’on attend lors d’une manœuvre délicate d’appontage ou d’appareillage.
On s'attend clairement à ce que le dispositif de décollage soit tolérant aux anomalies. On souhaitera donc décoller à partir d'une station fixe et stable pour laisser à l'engin au départ, le contrôle de sa manœuvre. Le cas échéant, une avarie au décollage pourra donner lieu à son annulation d'urgence sur la seule décision du pilote ce qu’exclut complètement la notion de catapultage.
Le seul point du cylindre répondant partiellement à ces critères de sécurité, est situé sur son axe de rotation. La rotation étant assez lente en son centre, l'engin au décollage pourra facilement corriger sa rotation après son départ.
Le véritable problème qui apparait en assurant les entrées sorties au point axial est qu'il n'y en a que deux par bâtiment et, par conséquent, deux ports d'entrée-sorties en tout et pour tout. Compte tenu des pannes possibles et de la grande taille des cylindres proposés, il est inconcevable d'envisager une évacuation d'urgence avec seulement deux port dans la mesure où on parle de milliers de personnes voire de millions.
Le concept est juste un peu trop simple. On essaye de concentrer au point axial un trop grand nombre de contraintes. Le passage de la gravité à l'apesanteur d'une part, et le changement de pression atmosphérique d'autre part. Il faut impérativement séparer ces deux tâches. Ainsi quittera-t-on la gravité sous atmosphère pressurisée, puis on rejoindra un sas pour sortir dans l'espace.
En poussant légèrement le concept, on réalise qu'il a bien d’autres avantages. Si l'extérieur du cylindre est pressurisé, il n'est plus nécessaire de rendre la totalité de sa tranche étanche. La zone axiale de cette tranche pourra être ouverte vers l'extérieur sur une surface plus vaste, permettant un "débit" d'entrées-sorties beaucoup plus important.
Le principe est donc posé : Le cylindre tourne dans un cylindre plus grand dont le rôle premier consiste à assurer l'étanchéité du bâtiment.
Comme expliqué plus haut , rien ne peut rester stationné à l'extérieur d'une coque en rotation sans subir une force d'éjection au moins égale à la gravité qui s'exerce à l'intérieur du cylindre.
Il est donc impossible d'intervenir sur la coque à moins de s'y accrocher de quelque manière. Voyons donc comment on peut s'agripper à une structure aussi peu accueillante.
Le magnétisme : On peut imaginer qu'une couche d'acier recouvre la coque pour permettre à des hommes ou des robots de s'y accrocher avec des électro-aimants. Cela dit, on imagine l'inconfort des intervention effectuées sous gravité négative. Pour donner un aperçu sur Terre, cela ressemblerait à une intervention au plafond. Compte tenu du risque incompressible qui accompagne toute sortie extravéhiculaire, ajouter celui d'une éjection violente loin du vaisseau semble prohibitif. Tous les efforts de conception viseront évidemment à contenir ce risque voire à l'annuler complètement.
Si maintenant on considère que le cylindre de gravité tourne dans un cylindre fixe et pressurisé, les équipes d'intervention en cas d'impact n'encourent plus le risque de se voir éjecter loin de leur base. Tout au plus seront elles arrêtées par le carénage ou coque d'étanchéité. Cette fois encore, la présence d'une coque externe est hautement souhaitable.
La coque externe étant immobile, les engins posés à sa surface pourront s’y accrocher sans problème. Dans le roman, c’est un système de griffes rétractiles qui peuvent contrarier la force d’éjection par la rigidité des griffes plutôt qu’un système magnétique dont la masse des bobines augmente au prorata de la force à exercer.
Le problème des radiations a été grandement ignoré par presque toutes les études du siècle dernier. Comme si la perspective de "cuire" sous le feu des micro-ondes et des vents d'ions avait eu moins d'importance en ces temps d'après-guerre. Cette question est pourtant redoutable et la traiter ne va pas de soi. Le voyage vers Mars a mis cette question sous les projecteurs puisqu'au moment de recruter des astronautes pour voyager 7 mois dans l'espace, les questions de santé se posent très concrètement.
En quoi consistent les radiations exactement ?
Il s'agit d'une part de rayonnement qu'on résumera à des flux de photons résonnant sur des fréquences incompatibles avec la vie cellulaire. UV, X, Gamma...
Les neutrons sont des noyaux formés d'un proton et un électron fusionnés, ce qui leur donne une masse élevée et une charge électrique neutre. Il est donc impossible de les dévier par des moyens magnétiques et ils n'intéragissent pas directement avec les liaisons chimiques des molécules. Par contre, ils impactent les noyaux de nos atomes et provoquent leur désintégration, ce qui génère des radiations alpha, beta, gamma au voisinage de l'impact, mais aussi d'autres neutrons...
Le bore et le cadmium stoppent les neutrons, tandis que l'eau et les hydocarbures les ralentissent.
D’autre part, des flux d'ions (Alpha, Beta) dotés d'une masse ou plasmas de haute énergie (>10eV) qui séparent les électrons de leurs noyaux atomiques, brisant les liaisons chimiques des molécules dont les humains sont faits. Le vent solaire ajoute ses propres ions et participe à l'inhospitalité du milieu. Les cellules touchées par ces ions meurent et au-delà d’une certaine quantité, leur propriétaire également.
Sur Terre, les particules chargées du vent solaire sont déviées par le bouclier magnétique, celui-là même qui anime l'aiguille des boussoles. Les rayons cosmiques et leurs flux de neutrons intéragissent avec l'atmosphère qui s'avère être une protection efficace.
Un champ magnétique peut donc protéger les êtres vivants contre les particules chargées mais reste complexe à modéliser. Les vaisseaux sont ceinturés de canalisations dont on peut imaginer qu'elles soient faites de cuivre isolé par une gaine plastique. On pourrait donc y faire circuler un courant et former une bobine de la taille requise pour voir des aurores boréales se former aux extrémités du vaisseau. Néanmoins, en l'absence de modèle, le livre ne s'étend pas sur cette question. D'autant qu'un champ magnétique est inopérant pour dévier les neutrons.
La plupart des matériaux sont capables d'absorber des radiations dangereuses. Certains, hélas, se montrent peu performants. C'est en particulier le cas des métaux légers, précisément ceux dont sont fait les astronefs actuels (aluminium, titane). Les céramiques sont plus efficaces mais aussi bien plus lourdes ce qui ne permet pas de les utiliser actuellement.
L'hydrogène sous toutes ses formes absorbe bien les particules. L'eau liquide est donc efficace de même que les hydrocarbures (propane). Ces fluides sont transparents dans le spectre visible ce qui permet d'envisager des hublots et autres fenêtres vers l'extérieur.
Les centrales nucléaires modernes possèdent des piscines remplies d'eau et de bore où sont entreposés les matériaux radioactifs. La présence d'hommes au bord de ces piscines atteste de l'efficacité de l'eau pour se protéger des radiations et du bore pour absorber les neutrons. Les anciens réacteurs de génération Tchernobyl utilisaient du graphite qui peut s'enflammer et diffuser les éléments actifs dans l'atmosphère. L'eau légère n'est pas dépourvue de défauts puisque elle se décompose en hydrogène et oxygène au delà d'une certaine température. Ainsi n'existe-t-il pas de protection parfaite.
La Terre possède au moins 3 boucliers efficaces contre les radiations ionisantes, ce qui en fait l'une des seules bulles de l'univers qui soit exempte de rayonnement radiologique. Le fait qu'on ne trouve pas de trace de vie ailleurs pose la question de savoir si cette protection n'est pas le plus crucial des préalables pour que la vie se développe.
C’est un problème inhérent au cylindre O’Neill. Nulle autre architecture spatiale n’y est aussi sensible. Si la masse du cylindre n’est pas répartie avec symétrie, le cylindre va commencer à tourner autour de sa partie la plus lourde. Au regard des masses de l’engin qui peuvent difficilement être inférieures au million de tonnes, ce mouvement déclencherait des forces de torsion sur le cylindre entier qui pourrait probablement se briser en tuant ses occupants. Même une faible dissymétrie suffirait à exercer de fortes contraintes sur toute la structure du cylindre. Il est donc impératif d’équilibrer activement ces masses. On devra prévoir un système intelligent capable de détecter les variations de gravité et les forces de torsion infligées au cylindre pour déplacer de l’eau ou tout autre fluide vers le point situé à l’antipode de l’excès de poids afin d’empêcher la structure de tournoyer sur deux axes.
Le manifeste du roman prévoit ce cas de figure : Outre la nappe phréatique naturelle du cylindre, de petits réservoirs répartis uniformément contre la paroi interne sont reliés par des canalisations munies de pompes. Le calculateur de bord analyse les forces exercées sur les axes de rotation et compense les dissymétries en permanence. Si le déséquilibre est trop grand, des robots peuvent transporter des contrepoids ou des engins en n’importe quel point du cylindre pour équilibrer les masses.
La référence est propre au livre Attention à Fred. Un cylindre O'Neill caréné se voit doté de propulseurs lourds. Les modèles sans carénage ne peuvent espérer au mieux que des corrections d'orbites. Toutes les partie du cylindre de 1974 sont en effet mobiles. Les propulseurs solidaires ne peuvent fonctionner que par impulsions courtes puis attendre un tour complet pour s'allumer à nouveau. Ce fonctionnement intermittent est parfaitement maîtrisé aujourd'hui. En revanche, il ne faut pas en attendre de performances suffisantes eu égard aux masses à déplacer.
Au contraire, une structure fixe n'a besoin que d'une orientation correcte pour utiliser toute sa puissance pendant de longues impulsions. On parle ici de millions de tonnes à déplacer avec des moteurs qui accélèrent des ions électriques, c'est à dire, dont la puissance instantanée est faible. C'est le prix des longs séjours loin des bases de ravitaillement. Si une fusée au départ de la Terre peut s'offrir le luxe de brûler 12 tonnes d'ergols par seconde, c'est uniquement parce que son premier étage va rapidement se détacher et retomber au sol. Lors des longs séjours isolés, une telle dépense en combustible est impensable. Seuls les moteurs ioniques peuvent garder leur disponibilité pendant de longues périodes.
Pour éviter une explosion qui endommagerait la coque et mettrait en péril les occupants, on prendra soin de superposer la propulsion et non de la juxtaposer. Dans le monde réel, ce problème est apparu avec la navette spatiale. Véhicule « trappu » où les habitacles jouxtaient les combustibles chimiques dont l’explosion fut fatale aux occupants de Challenger mais , fût aussi à l’origine du débris qui fractura le bouclier thermique de Columbia en 2003. La juxtaposition des propulseurs est donc bien le défaut de conception à l’origine des deux tragédies.
Par nature, la propulsion manipule de puissantes forces qui peuvent s'exprimer inopinément...
Mettre la propulsion à l'arrière permet donc de sauver les occupants en cas d'explosion. Profitons donc de la structure du mât pour y loger également la génération nucléaire. Il sera ainsi possible de larguer le tout en cas de fusion des combustibles. En espérant que nos astronautes auront à cœur de sécuriser le réacteur endommagé et l’empêcher de dériver indéfiniment au risque de provoquer des catastrophes plusieurs décennies plus tard...
Le refroidissement des réacteurs est assuré par un fluide qui va alimenter le vaisseau en chaleur, contribuer à filtrer les radiations et son accélération à compenser le couple de rotation du cylindre à l'intérieur de la coque (compensation inertielle).
Les ébauches de cylindres O'Neill de 1974 ont eu l'immense mérite de faire rêver une génération de futurs astronautes. Et leur succès est d'autant plus mérité que des cylindres finiront certainement par être construits, peut-être dans des chantiers proches des lieux d'exploitation minière comme dans le roman, peut-être autrement. Néanmoins, le livre met sérieusement à jour le concept. Prophétiques ou non, les vaisseaux à gravité centrifuge décrits apportent une crédibilité au principe du cylindre alors que les agences spatiales travaillent sur des anneaux toriques tournant autour d’une structure fixe prolongée par des compartiments pneumatiques pour le fret. Les masses au décollage ne laissent pas espérer voir des habitats aussi ambitieux qu'un Cylindre O'Neill. Pas avant que les matériaux ne soient extraits sur place ou depuis la surface lunaire ou tout autre astre dont la gravité n'est pas trop forte. Dès lors, l'exploitation minière ne devrait-elle pas prendre la priorité sur l'exploration ?
De quoi poser les questions sociétales, politiques et militaires qui font la trame de l’histoire mais sortent du cadre de cette page.
Un problème récurrent des cylindres de la fiction est qu’on a été trop optimiste avec les dimensions. Une structure de plusieurs kilomètres est possible mais plusieurs dizaines de kilomètre posent des questions fondamentales de résistance des matériaux et de maintenance. Les vaisseaux du roman sont dimensionnés d’après les ouvrages de génie civil sur Terre.
Quelle que soit la mission d'un vaisseau spatial, celui-ci reste sujet aux accidents. Un plan d'évacuation et une politique de réparation d'urgence sont une condition sine qua non de sa capacité à abriter la vie à long terme. En cas de dommage, le plan d'évacuation doit être résilient aux avaries. Si une voie d'évacuation est obstruée, il faut un plan B.
Je conclurai sur les bons moments que l’héroïne du livre, Fred, passe à bord de son vaisseau où elle trouve la maison qu’elle n’aurait jamais eue sur Terre, des amis loyaux, un management compréhensif, un travail gratifiant et où elle se forge des souvenirs heureux avant que les évènements politiques ne bouleversent sa vie.
La Terre sera trop petite un jour. Il faudra étendre l’habitat de l’espèce humaine et aucune planète n’est vraiment accueillante. Les belles années de Fred à bord du Cruncher sont la note d’optimisme qui manquait à cette analyse remplie de cas désespérés et de catastrophes.
Le projet Station Spatiale Internationale devait, à l'origine, comporter un module sous gravité centrifuge nommé CAM pour Centrifuge Accommodations Module. Ce module a été construit par l'agence aérospatiale japonaise et devait être connecté au module Harmony de l'ISS. Il a été abandonné en 2005 suite aux restrictions budgétaires consécutives aux dépassements de coût des autres organes de la station.
Autre page en anglais sur le module CAM de l'ISS.
Simulation en HTML/Javascript (non testé ailleurs que sur Chrome). Trajet d'une balle rebondissant sur la paroi d'un cylindre en rotation sans autre gravité que celle du cylindre. Deux vues sont montrées :
Celle de gauche représente le trajet de la balle vue par un observateur placé dans le cylindre. Celle de droite place l'observateur à l'extérieur du cylindre. La différence est subtile et les lignes droites de la vue extérieure se transforment en courbes vues de l'intérieur.
Cliquer sur le lien puis taper (espace) pour lancer
la simulation.
Un calculateur de vitesse du cylindre permettant de connaitre le nombre de rotations par minute requis pour obtenir une accélération de 1g sur sa paroi. La vitesse tangentielle est aussi donnée et intéresse directement la perception que les astronautes ressentiront lorsqu'ils passeront d'une partie fixe à une partie tournante du vaisseau. Les rotations par minute multipliées par la circonférence * 60 donnent la vitesse de la paroi du cylindre. La formule est :
Vitesse tangentielle en kmh =
Vitesse angulaire * (PI * Diamètre) * 60 / 1000
Le diamètre interne du Cruncher est de 430 m soit 1
350 m de circonférence et 1,442 rotation(s) par minute
donnent une vitesse tangentielle 116.8 kmh, vitesse à atteindre pour
entrer ou sortir du cylindre par une de ses extrémités.
La vitesse réelle est un peu plus élevée car le "sol" de la nef
n'est pas situé contre la paroi. Plusieurs réseaux de canalisations et
réservoirs de répartition des masses, un ballast mélé à du régolithe
pour former un sol "terrestre" capable de former une nappe
phréatique et d'autres installations réduisent le diamètre
utile. Logiquement, la vitesse angulaire est un peu plus élevée.
Un jeu de Volley Ball en cylindre centrifuge. De 2 à 4 joueurs mais sa simulation questionne. Le ballon de volley semble excessivement influencé par la rotation et les effets d'échelle rendent la compréhension difficile.
Un article de blog critique la notion de gravité centrifuge dans le contexte actuel, bien qu'il en précise les contraintes dont on ne peut que constater qu'elles ne posent pas de problème fondamental. Ne pas se fier au titre.
Voir aussi :
Propulsion d'un vaisseau, conversion entre puissance et
gravité perçue
Le g est l'unité d'accélération. La gravité moyenne sur Terre correspond à 1 g. Bien que l'origine de la gravité et l'accélération d'un corps soient de natures différentes, leurs effets sont très similaires. Ainsi, le conducteur d'une (puissante) voiture, capable d'accélérer de 0 à 100 km/h en 2.8 secondes, sera soumis à une accélération horizontale égale à son poids sur Terre.
Voici la constante de conversion exacte :
1 g correspond à : 0 à 100 km/h en
2.83277163965269 secondes
En conséquence :
Accélérer à 1 g fait augmenter la
vitesse de 35.3 km/h chaque seconde
A l'inverse d'Elon Musk, Blue Origin reste discret dans les medias. Son premier lanceur, New Shepard a pourtant démontré ses qualités depuis 2015. Bien qu'il ne soit pas assez puissant pour atteindre l'orbite, il se contente de vols suborbitaux à 100 km d'altitude, pour touristes spatiaux, puis revient au sol où il atterrit en douceur. Réutilisable, il a fait l'objet de campagnes de tests plus longues que celles de SpaceX et une grande partie de la recherche consiste à accumuler des données pour être prêt à se spécialiser lorsque M Bezos le décidera. Or, il semblerait que ce soit le cas en ce début 2021. Voir la brève de News à ce sujet.
Le lanceur lourd New Glenn doit effectuer son premier vol en cette année 2021. Il peut emporter 45 tonnes en orbite basse, soit le double d'une fusée Falcon 9 de SpaceX (22.8 t) ou d'un lanceur chinois Longue Marche 5 (23 t).
Sa propulsion utilise du méthane liquide stocké dans un premier étage réutilisable. Il peut satelliser 13 tonnes en orbite géostationnaire et donc un peu moins pour s'évader de la Terre vers une autre planète, la Lune ou les astéroides.
Jeff Bezos, le CEO d'Amazon, projette de lancer des stations spatiales basées sur le cylindre O’Neill. De son aveu même, Bezos fût, dans sa jeunesse, l’élève de Gerard O’Neill en personne. Son projet se compose de stations en orbite, comme celles de son mentor, dont il a repris les images originales pour illustrer le concept. L’homme les moyens de ses ambitions, première fortune mondiale, propriétaire de Blue Origin dont les un lanceur sub-orbital est opérationnel et une fusée lourde très avancée. Parallèlement, Blue Origin développe le projet Blue Moon qui consiste à livrer du fret à la surface de la Lune.
Contre toute attente, les moteurs développés pour New Glenn sont retenus par la United Launch Alliance afin de propulser la future fusée remplaçante des lanceurs Atlas et Delta 4, encore employés par la NASA et l'armée pour les lancements de sondes ou de satellites : La Vulcan.
Ainsi la NASA garde-t-elle le choix des "petits" lanceurs propulsés au méthane liquide.
Blue Origin s'annonce donc comme un grand fournisseur de solutions de lancement. Néanmoins, la NASA retient le Starship de SpaceX comme alunisseur dans le cadre du programme Artemis. Ce choix est contesté par Blue Origin qui obtient un sursis auprès des autorités.
Incontestablement, la proposition de Starship est plus disruptrice. L'espace à bord, la robustesse du vaisseau et sa versatilité en font un ovni dans l'histoire spatiale. Néanmoins, Blue Origin poursuit ses développements et pourrait bien, à son tour, reverser la table. La Lune étant un objectif majeur de la société depuis l'origine, contrairement à SpaceX qui se destinait plutôt à Mars.
Le biais poursuivi par Jeff Bezos est plus proche du roman puisqu'il projette d'utiliser les ressources lunaires et de construire un Cylindre O'Neill, néanmoins l'approche de Musk semble, une fois encore, plus rapide à mettre en oeuvre.
Blue Origin, désormais fournisseur majeur du programme lunaire, peut influencer son développement pour le rapprocher du scénario AàF. Pour ce faire, il lui faudrait assurer une puissante logistique entre les sites miniers lunaires et l'orbite de notre satellite. Possiblement au moyen d'un railgun, ou canon magnétique capable d'exporter de grosses masses de matériaux d'origine lunaire afin de construire en orbite le premier vaisseau lourd à gravité centrifuge de l'histoire.
Elon Musk ne l’entend pas de cette oreille. Certes, son projet martien est un peu mis au second plan par
l'actualité américaine mais on imagine mal qu'il se montre assez patient
pour fabriquer des vaisseaux de milliers de tonnes en orbite lunaire...
Son vaisseau martien est un peu surdimensionné pour une mission
d'exploration lunaire mais pas pour une exploitation du sous-sol ni pour
assurer le backup d'une base lunaire permanente.
Selon Musk, l'homme doit devenir une espèce multi planétaire et se protéger contre une destruction totale. Son projet initial consistait à établir une colonie sur Mars bien avant tout le monde et entrer dans les livres d’histoire comme celui qui aura élargi l’habitat humain une fois pour toutes.
Mais le président américain avait quand-même son mot
à dire sur la progression des colonies en espace profond. La validation par Joe Biden du programme Artemis conçu par
son prédecesseur aura sans doute plus de répercussions sur
l'avenir que les tribulations des grandes fortunes de l'internet.
Tous fortunés qu'ils soient, les deux hommes ne peuvent pas ignorer la NASA et le département de défense américains sans lesquels l'accès à l'espace serait très incertain. Ni l'un ni l'autre ne peut financer une colonie extra terrestre à lui seul. L'exploitation minière au bénéfice des terriens pourrait, à terme, justifier des dépenses encore plus vertigineuses que celles déjà engagées.
Néanmoins, on est très loin de savoir le faire. Le sous sol lunaire garde pour un temps ses secrets. On ne sait pas ce qu'on y trouvera, ni très bien comment l'extraire, ni le raffiner sur place, ni l'exporter ni même comment le faire revenir. La période s'annonce rebondissante en découvertes et technologies.
Le bon côté de ces projets d’habitat extra-terrestre
est de permettre l’aller-retour vers l’espace beaucoup plus facilement
que depuis le sol terrestre. C'est en effet la Terre qui a la plus forte
gravité de la région, puis Mars qui est 3 fois moins massive et n’a
presque pas d’atmosphère, puis vient la Lune avec la propriété
extraordinaire de pouvoir en expédier du fret depuis sa surface, sans
utiliser de combustible ou très peu. Enfin, à l’instar d’Attention à
Fred et du projet de Jeff Bezos, les stations ou vaisseaux
spatiaux qui n’opposent aucune gravité aux départs d’engins.
Cependant, la puissance au décollage ne fait pas toute l'affaire. En
terme de rapidité de déploiement, le projet martien d'Elon Musk a un
avantage incontestable. Sa flotte spatiale est plus avancée et Mars ne
nécessite pas d’aménagement lourd avant d’accueillir des colonies
humaines. Sur ce critère de calendrier, les cylindres O’Neill arrivent
bons derniers car ils devront être construits, pressurisés et
opérationnels avant d’accueillir leurs premiers équipages.
Pour autant, quelle est la finalité ultime d’une
colonisation de l’espace ? S’agit-il de poster des êtres vivants loin de
la Terre pour sauvegarder leur génome, acquis après 3 milliards d’années
d’évolution ? Ou faut-il se préoccuper de la qualité de vie dans les
colonies et surtout de leur capacité à financer leur développement
depuis la Terre ce qui rend l’exploitation minière indispensable, tout
en excluant Mars ?
Ces questions déjà soulevées par les deux milliardaires se frayent un
chemin vers l’actualité et on peut espérer y apporter des réponses
historiques dans le courant des années 2020.
Voir également la section consacrée au projet de colonisation de Mars par
Elon Musk
Le terme « gravité » à l’intérieur d’un cylindre est scientifiquement incorrect. La gravité est la première force de l’univers qu’elle a façonné depuis toujours et continue à le faire. Le Soleil en est une manifestation heureuse pour nous. Cette gravité s’appuie sur l’espace-temps et ne peut se concevoir facilement. Pour autant, notre espèce a évolué grâce à elle et même un enfant fait facilement la différence entre haut et bas. Pour mieux comprendre la gravité et ses implications, un livre de vulgarisation scientifique à conseiller est « Patience dans l'Azur » d’Hubert Reeves. Pour aller encore plus loin, le Boson de Higgs et son champ de force sont encore très à la pointe de la compréhension humaine. Autrement dit, on n’y comprend pas grand-chose mais on sait où ça se situe dans la grande famille des particules subatomiques.
Ce que nous appelons « gravité centrifuge » n’a donc pas grand-chose à voir avec celle de notre planète. Néanmoins elle lui ressemble étrangement. C’est une force constante à laquelle on ne peut se soustraire qu’en accélérant. Imaginons un objet placé sur la paroi interne d’un cylindre en rotation, un peu comme de la salade mouillée dans une essoreuse, à laquelle on impose une rotation qui aura un effet provisoire lors de l’accélération initiale, avant de se stabiliser lorsque le régime nominal sera atteint. Désormais, on oppose une force contraire à la trajectoire en ligne droite de notre objet qui est la force centripète d’un cylindre. L’objet posé sur la paroi (notre corps dans le cas d’un vaisseau) est soumis au déplacement de sa trajectoire, constamment contrarié par la courbe que lui imprime la paroi. Elle agit donc comme un virage constant qui attire l’objet en sens inverse. Il faut noter qu’aucun habitat spatial doté de gravité centrifuge n’a été construit à ce jour mais que sa faisabilité semble faire consensus.
Attention à Fred utilise (comme toute la science-fiction) le mot « gravité » sans explication supplémentaire, bien que le terme soit inexact. Contrairement à la « science tout court » qui doit démontrer mathématiquement ou référencer tout ce qu’elle avance, la science-fiction met l'accent sur le ressenti. La « gravité » d’un cylindre suffisamment grand pour imprimer une sensation de pesanteur se voit donc nommée comme celle de notre planète, même si le terme n’est pas scientifiquement correct.
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